Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

15/03/2016

Noms de région : l'invasion de l'insignifiance (ou pire)

noms de régions

"Hauts-de-France","Acalie", "Aura", "R2A" !  Concours de nullités : 


 

Fabrication d'origine techno-bruxelloise, nos nouvelles grandes régions prétendent aligner l'Hexagone sur "le modèle allemand". Mais les Länder allemands sont des héritiers modernes : ils ont des noms créés par l'histoire, Rhénanie-Palatinat, Thuringe, Bavière, Bade-Wurtemberg, Saxe, Hesse, Brandebourg...

Au contraire, les nouvelles régions françaises agglomèrent des entités disparates. On leur cherche des noms artificiels, puisqu'il n'y a (par exemple) aucun point commun  entre l'Alsace et la Champagne. Qui cherche ces noms ? les gestionnaires des "métropoles". Où les cherchent-ils ? dans l'univers mental des commerciaux, dont le jargon et les logos se substituent à tout depuis une trentaine d'années.

D'où certaines propositions de noms qui surgissent ces jours-ci... La nouvelle région Nord-Pas-de-Calais-Picardie aurait pu s'appeler "Flandres-Artois-Picardie", ce qui aurait voulu dire quelque chose ; elle s'appellera "Hauts-de-France", ce qui ne veut rien dire.*

Conglomérat plus arbitraire, la nouvelle région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne – ayant pour acronyme Alca pourrait être nommée "Alcalie" ou "Acalie" ! mots absurdes, nuls, aussi vides que les dessins des billets de l'euro... Le président de région préférerait "Grand Est" : c'est plat, mais ça désigne au moins un espace géographique.

La région Auvergne-Rhône-Alpes pourrait être nommée "Aura" : électro-encéphalogramme plat là aussi. Encore pire et plus alarmant : les lycéens auvergnats et rhône-alpins proposent "R2A" ! On voit les ravages de la culture entrepreneuriale, et le bilan culturel de l'Education nationale.

Ces propositions reflètent un état d'esprit franco-français qui ne date pas d'hier. Dès les années 1980, des épreuves de ski s'appelaient "Super-Cimes" en France alors qu'elles s'appelaient "course du prince Albrecht" en Allemagne ou "course du roi Gustave Vasa" en Suède... c'était le moment où nos conseils régionaux et généraux payaient des sommes astronomiques à des agences de pub pour s'offrir des logos ne ressemblant à rien, ou plutôt ressemblant (presque tous) à celui, bleu-blanc-vert, de Cofiroute ; le but de cette ruée étant de donner aux territoires l'allure d'entreprises, seule posture admissible.

Quelques régions résistent plus ou moins.

La Bretagne, épargnée par la réforme, n'a pas à changer de nom. Son conseil régional a pour emblèmes un drapeau d'identité (le gwenn-ha-du de la lutte culturelle) et un logo, bleu-blanc-vert mais un peu héraldique (l'hermine) et moins Cofiroute qu'ailleurs.**

La Bourgogne-Franche-Comté non plus n'a pas à changer de nom : cette nouvelle région correspond – par hasard – à un espace historique, celui du duché de Bourgogne en 1384 ! duché dont la région arbore le blason et le drapeau, héraldiques donc décoratifs.

En Aquitaine-Limousin-Poitou-Charente, les élus hésitent entre plusieurs appellations, insuffisantes mais argumentables : "Grande Aquitaine" (hommage aux Plantagenet ?), "Grand Sud-Ouest" (plus plat)...

Même chose en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, où l'exécutif régional a raison de ne vouloir "surtout pas" d'un acronyme façon commerce. Mais seuls 23 % des 202 357 sondés proposent "Occitanie" : faible score dont il faudrait connaître les raisons, qui ne se résument sans doute pas à la concurrence (encore plus minoritaire) de "Septimanie".

 

Conclusion provisoire : ce débat sur les noms est un exemple du conflit contemporain entre l'absurde imposé et le besoin de sens. L'absurde est un effet du libéralisme, formatage de la société par une machinerie qui élimine la culture au profit de l'idiome commercial. D'où la perte de sens et le malaise... Si nous déplorons cet effet, n'en chérissons pas la cause.

 

_______________

* Quelques élus ont objecté que l'euphémisme « Hauts de... » faisait « un peu lotissement résidentiel ». L'immobilier étant un moteur-de-croissance, l'objection s'est retournée contre les objecteurs.

** Seul le Finistère s'est doté d'armes historiques : hermines et Léon-Cornouaille. Les Côtes d'Armor, l'Ile-et-Vilaine et le Morbihan ont pris des logos genre Cofiroute, Intermarché ou Thalasso. 

 

noms de régions

 noms de régions

11:56 Publié dans Idées | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : noms de régions

Commentaires

BRETONS

> Sans aller jusqu'en Cochinchine : les ridicules transpositions de toponymes bretons en français officiel par "assonances" approximatives, du XVIIIe au XXe siècle, sous l'autorité de ministres de l'Intérieur parisiens qui n'avaient pas idée que ces noms voulaient dire quelque chose dans une autre langue. Il est vrai que "le fédéralisme et la superstition parlent bas-breton" (Barère, 8 pluviôse an II), donc fi des ploucs.
______

Écrit par : torrebenn / | 15/03/2016

CONTRE TOUT ENRACINEMENT

> On peut dire de l'habitude d'effacer en quelque sorte les noms et les territoires de provinces qu'elle remonte à la création des départements ; les exemples ne manquent pas, à commencer par le très plat nom du département du Nord. Mais bon, dans la plupart des cas, les habitants des départements peuvent encore se raccrocher à ces noms, qui se rapportent souvent à un élément de la géographie locale (une rivière, une montagne, etc.).
Avec les régions (ancienne manière), c'était déjà un peu plus compliqué : pensons à la région Centre, qui n'évoque pas grand-chose, si ce n'est qu'elle n'est pas au bord du pays. Ou à "Provence-Alpes-Côte d'Azur", avec sa brutale abréviation "PACA" : le nom de marque pointait déjà le bout de son nez...
Mais il faut reconnaître que les quelques exemples fournis dans cet article pour les noms des nouvelles régions sont particulièrement navrants. Cela peut paraître futile, mais pas tant que l'on pourrait le croire : comme si toute velléité d'enracinement local devait être interdite.
______

Écrit par : Sven Laval / | 15/03/2016

PROPOSITIONS COOL

> Et le ridicule "Saozon Sevinieg" pour Cesson Sévigné...
Sinon je propose
Morizetie
Aliénorie-Plantagénie
Cassouletland
ElsaßLothringen-KaiserWilhelmland (und Taxis)
Région du Soleil
Région des monts et du sillon
Sandjak phocéen ou Oémie
Je vous laisse deviner à quoi ils se rapporteraient.

EL


[ PP à EL - Qu'y a-t-il d'aussi risible que les francisations de toponymes bretons (au XIXe) ? La bretonnisation moderne de toponymes du pays gallo... ]

réponse au commentaire

Écrit par : E Levavasseur / | 15/03/2016

LA RENGAINE "CATHARE"

> J'ai oublié le pourtant inévitable :
-"pays cathare"
(ça fait très VDQS) puisque nous savons tous que cette région vit un "véritable traumatisme toujours présent dans les esprits 800 ans plus tard."
Sauf qu'avant les années 1970, quand HP Eydoux est venu enquêter sur les châteaux du coin en parlant des cathares, les gens du cru disaient "les quoi ?"
(ça fait penser à "la Belle vie " de Anouilh ; hilarantissimes Jean Le Poulain et Jacques François)
Et puis il y eu des téléfilms, on a vu les "circuits découvertes" à créer, le fric à se faire, les barbus à lunettes ovales d'extrême gauche y ont vu l'occasion de démoraliser encore un peu, et on ne parle plus que du catharisme présenté comme une "grande sagesse" (tout en disant par ailleurs que "les cathos ne sont pas réalistes").

EL


[ PP à EL :
Si les offices du tourisme du Sud-Ouest avaient eu idée de ce que fut le catharisme, ennemi du corps et de la matière, ça les aurait refroidis. Mais l'ignorance ose tout. Ce ridicule a commencé en 1965 : 'La caméra explore le temps', émission 'Les Cathares', avec effet vu-à-la-télé et création de la montséguromanie touristique. Les syndicats d'initiative ont alors inventé le "pays cathare" en omettant de s'informer sur... les convictions des cathares ! (idéologues ennemis notamment du sexe et du vin, comme leurs aïeux manichéens). D'où une floraison grotesque de "cassoulets cathares", de "vins des cathares", de "rallyes cathares", etc. Aux innocents les mains pleines.
Je recommande la lecture du livre de Roland Hureaux sur les gnostiques et leurs descendances (éditions DDB) : enquête qui rétablit la vérité quant au catharisme, entre autres. Je suis en train de le lire, et lui consacrerai une note dès que possible. ]

réponse au commentaire

Écrit par : E Levavasseur / | 15/03/2016

LOGO

> Quant au "Milieu un peu paumé" dont à peu près tout le monde se fiche, notre belle "région Centre" (appellation de 1956), devenue "Centre - Val de France", elle s'est dotée depuis peu d'un nouveau logo encore plus cofiroutien que l'ancien. Le point sur la 'controverse identitaire' régionale et les logos sur Wikipédia :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Centre-Val_de_Loire
______

Écrit par : Alex / | 15/03/2016

> "Hauts de France" : ça fait un peu nom de vin en cubi...
______

Écrit par : Feld / | 15/03/2016

LES NOMS

> Hauts de France? Ah bon? ça va jusqu'au Mont Blanc?

@ Nicolas: Haute Volta, ce n'est pas pire que Haute-Loire ou Haute-Saône.

@ PP Pourquoi pas Occitanie? peut-être parce que ce nom a trop été récupéré par des séparatistes.

Bourgogne-Franche-Comté? La Comté (rattachée à la Fance en 1674 mais après maintes occupations) n'est pas le Duché, vassal indocile du Royaume depuis le partage de Verdun en 843 et revenu au domaine royal à la mort du Téméraire.
Ou alors, si on veut parler de la Bourgogne géopolitique de celui-ci, il faudrait ajouter le Bénélux et (gag!) ....l'ancien Nord-Pas de Calais.
______

Écrit par : Pierre Huet / | 15/03/2016

SANS RACINES

> Ah, je suis désolée, Haute-Volta, ça voulait au moins dire qu'on était sur le cours supérieur de la Volta. Maintenant j'habite dans une région qui, au lieu de s'appeler Flandre-Artois-Picardie, ce qui aurait évoqué ses racines dans l'histoire, porte le nom d'une association de naturistes. Les partisans de cette appellation m'objecteront sans doute qu'ainsi on développera le tourisme, les gens ne se sentant plus obligés de s'équiper en traîneaux, huskys, fourrures et chapkas pour venir chez nous.
______

Écrit par : Bernadette / | 16/03/2016

@ Eric Levavasseur

> Et de plus, les vestiges actuels des "chateaux cathares" sont très postérieurs à l'épisode des "Albigeois" : il constituaient une ligne de défense face à l'Aragon qui incluait le Roussillon et les vallées qui s'y rattachent (Cerdagne, etc...).
______

Écrit par : Pierre Huet / | 16/03/2016

MOURIR DE RIRE

> A propos des cathares, j'ai bossé dessus en fac (mini mémoire de licence) en utilisant les cahiers de Fanjeaux notamment. C'est édifiant l'abîme entre la doxa touristique voire pseudo-littéraire et la vérité historique. Mais de voir une activité ô combien matérialiste et sensuelle, le tourisme, faire la pub et développer le souvenir cathare, me fait toujours autant mourir de rire.
______
Ah, ce matin mes élèves ont trouvé un nom pour notre future région et il me botte bien: Auvergne-Rhônes-Alpes deviendrait La Terre du milieu....Pour ma part, j'hésite, je me verrais bien en Gandalf mais Gimli me va mieux selon certains...

Écrit par : VF / | 16/03/2016

HAUTS

> Ça ne va pas être facile d'expliquer aux Australiens l'appellation "Hauts de France" :
https://imageetinformation.wordpress.com/2014/11/11/carte-du-monde-vu-daustralie/
______

Écrit par : franz / | 16/03/2016

NÉO-JACOBINS

> Comment des Jacobins pourraient-ils dire des choses intelligentes sur les régions ?
D'ici qu'on nous dise qu'il faut "des régions qui reflètent le métissage culturel de la France d'aujourd'hui"...

@ VF

> et Sylvebarbe ?
______

Écrit par : E Levavasseur / | 17/03/2016

@ VF :

> http://leomedias.com/visionner-le-film-le-hobbit-les-origines-du-cantal/
______

Écrit par : Alex / | 17/03/2016

NOUVEAU LOGO

> À propos de ce qui attend "nouzaut' Altos" :
pour un nouveau logo, la Région fait appel aux lycéens, apprentis et étudiants en art, design et communication visuelle de la région. Le concours « Dessine-moi une région » est doté de 5 000 €, 2500 € et 1 000 €. Le beffroi va-t-il survivre ? « Et les cathédrales ?, sourit le Picard Xavier Bertrand. Il y a le terroir, mais aussi le littoral », glisse-t-il encore. Objectif : le logo prêt pour mai.
(source : http://www.lavoixdunord.fr/region/region-hauts-de-france-et-maintenant-quel-calendrier-ia0b0n3386805 )
C'est un fait que les éléments réactionnaires de "terroir" (tel le beffroi) imposent cette détestable contrainte de devoir ressembler encore à quelque chose (une lame de cutter en l'occurrence).
En comparaison, les littoraux ont cet avantage d'ouvrir le champ créatif à toutes sortes de lignes vagues et fluctuantes.
Pour le logo gagnant, je parierai donc sur un hexagone incertain, baigné de suaves ondulations (rappel du logo Picardie, laquelle Picardie devra s'en contenter comme du reste), et surmonté d'un "Haut" attractif : au choix, un cœur, une étoile (de mer ?), ou mieux (pire), un "thumbs-up". On like trop !

AC


[ PP à AC - Mais de toute façon, bleu-blanc-vert Cofiroute pour "affirmer une identité innovante" : la même que partout ailleurs... ]

réponse au commentaire

Écrit par : Albert Christophe / | 18/03/2016

NEUNEU

> A vous lire, je suis allé voir des logos aussi, et je suis tombé sur un qu'à force de considérer j'ai fini par trouver libidinoeudnoeud :
http://emblemes.free.fr/site/index.php?option=com_content&view=article&id=435:logos-du-conseil-regional-de-champagne-ardenne&catid=54:champagne-ardenne&Itemid=104
C'est une histoire entre M. Viticol et Mme Céréal.
Bon, si ils sont mariés après tout...
Hâte de voir le rose Barbie déferler sur nos départements et nos régions.
______

Écrit par : Yann / | 18/03/2016

"SIDÉRANT"

> Une chose est vraiment sidérante.
A l'époque où il était plus long et difficile de reproduire un dessin avec tous ses détails, les associations avaient un logo (qu'on n'appelait pas encore de ce nom) qu'on retrouvait sur leur bannière, sur le timbre qu'elles imprimaient en tête de leur courrier etc. Ce logo était parfaitement compréhensible pour le quidam non averti. Certains détails pouvaient lui échapper, mais il savait s'il avait affaire à une société musicale, une association sportive... Ces associations n'avaient pourtant pas des moyens financiers pharamineux.
Les régions ont des moyens financiers d'une toute autre envergure et les techniques d'impression modernes offrent de nouvelles possibilités. Si on veut évoquer la viticulture et la culture céréalière de façon compréhensible, quoi de mieux qu'un cep de vigne et une gerbe d'épis, le tout étant de les disposer au mieux pour l'esthétique, et pourquoi pas avec en arrière-plan un paysage ou un monument typique ?

Bernadette


[ PP à B. - Il faut chercher du côté des liens entre collectivités locales et concepteurs publicitaires... ]

réponse au commentaire

Écrit par : Bernadette / | 19/03/2016

A E. Levavasseur:

> j'adore les arbres et les forêts (d'où en partie mon choix de vivre dans l'Allier) mais j'ai un problème pour Sylvebarbe, je suis un impatient notoire....mais comme j'ai arrêté de fumer la pipe, je m'en rapproche plus que Gandalf ou Gimli, il est vrai.
A Alex, c'est excellent et je ne connaissais pas. Je vais finir de visionner tout ça et j'en parle à mes élèves. Mais si la Comté est dans le Cantal, le Bourbonnais serait plus proche, à mon humble avis, des terres des Rohirrim.
Que Dieu vous garde toutes et tous en cette semaine sainte qui débute. Qu'Il vous comble de son amour, sa joie et sa paix. Que sa miséricorde infinie nous guérisse de nos failles que nous puissions témoigner de Lui en vérité.
Et bonne saint Patrick en retard, cher Patrice. J'ai assisté à un bon concert hier pour la saint Patrick. Alan Stivell a encore de beaux restes et le bagad est resté très bon. Mais il y avait un groupe irlandais avec un chanteur sublime.


VF

[ PP à VF - Go raibh maith agat ! ]

réponse au commentaire

Écrit par : VF / | 19/03/2016

LOGO

> Je profite de ce que les commentaires sur cet article sont encore ouverts pour mentionner le résultat du concours de logos pour la pseudo-région dite des "Hauts-de-France" :
http://www.lavoixdunord.fr/region/logo-des-hauts-de-france-on-connait-le-vainqueur-ia0b0n3620303
Mon pronostic était plutôt correct (aux ondulations près). Vous aviez raison sur le bleu-blanc-vert Cofiroute, et ce, dès la sélection finale — dans laquelle trois logos font *vraiment* société de gestion autoroutière.
Dommage, le logo « identitaire » qui alliait un joli beffroi (et non plus une lame de cutter) à une demi-rosace mi-épi, mi-vitrail, est arrivé en deuxième position.
Nous nous retrouvons donc avec un emblème gentillet, voire matrimonial, déjà célébré par ailleurs comme l'alliance du bretzel et du cuir de vachette :
https://twitter.com/ChristopheGen/status/751355162455932928
______

Écrit par : Albert Christophe / | 09/07/2016

Les commentaires sont fermés.